Les riches, vous voyez bien ce qu’ils ont, vous ne voyez pas ce qui leur manque.
Saint-Augustin d’Hippone

La Croix-Rousse
Un décret impérial fonde la paroisse Saint-Augustin en 1851, un an avant le rattachement de Cuire-la-Croix-Rousse à Lyon. La fondation de la paroisse s’inscrit dans la volonté épiscopale d’accompagner le développement du quartier des canuts par un encadrement clérical à la hauteur*.
La géographie comme l’histoire économique et sociale ont façonné un quartier singulier, fait de pentes surmontées d’un large plateau. Les besoins de la soierie lyonnaise ont porté son urbanisation. Ils ont généré un modèle de rapports sociaux, d’organisation du travail et de la vie familiale à la fois original et exemplaire. Il a porté des rapports sociaux et peut-être préfiguré l’histoire des mouvements sociaux, celle qui finira par façonner le monde. Les saint-simoniens, Karl Marx, Fourier ou Proudhon autant que des acteurs du catholicisme social comme Frédéric Ozanam et Antoine Chevrier y ont trouvé des terrains favorables pour leurs réflexions et engagements.
Ce modèle aurait-il été semblable en terrain plat ? La densité d’habitation du quartier reste l’une des plus élevées d’Europe.


Les logements-ateliers des canuts devaient accueillir familles et métiers à tisser de grande hauteur. Parents et enfants participaient à l’ouvrage. Les machines occupaient le centre de l’appartement alors qu’une mezzanine faisait chambre sur son dessus et couvrait la cuisine. Il a fallu réaliser de nouveaux immeubles pour répondre à ces nouvelles contraintes. La Croix-Rousse, avec ses pentes peu urbanisées et ses terrains libres sur le plateau, va trouver sa vocation.
Saint-Augustin, vocable voyageur
Les Augustins déchaussés installés à la Croix-Rousse depuis 1624, avaient construit l’actuelle l’église Saint-Denis, déjà placée sous la dédicace du saint évangélisateur de la France. Devenue église paroissiale à la révolution, et placée temps sous le vocable de saint Augustn**, elle reviendra à Saint-Denis en 1803.

Le vocable libéré sera repris par la nouvelle paroisse. celle-cidispose d’une première église, bénie en1851. Ce sanctuaire disparaîtra après la construction de l’église actuelle par Augustin Chomel en 1910.
Saint-Augustin, un édifice remarquable

L’église, financé par les paroissiens, disposera d’un budget contraint***.Cette contrainte pleinement assumée epar Chomel, associée à une intention architecturale bien établie a conduit vers la réalisation d’un édifice remarquable. L’architecte, porté par son prénom comme par l’ombre des augustins, a réalisé un édifice en écho au temps d’Augustin, père de l’Église primitive.
Lumière, simplicité des formes, transparence des circulation et chaleur de la décoration marquent d’emblée le visiteur.
L’effet de ligne et l’étagement des volumes se substitue avec bonheur à des ornementations qui auraient pu se révéler onéreuses.
L’église a repis les intentions des basiliques siciliennes. Elle articule plan des abbayes Normandes, élévation romane et des décorations byzantines.
Un portail néo-roman puissant, orné d’une mosaïque**** et d’une statue de Saint Augustin conduit vers la nef centrale et ses collatéraux animés par une colonnade portant des arcades en plein-cintre.
Le caractère byzantin du sanctuaire (or de la fresque de l’abside, mosaïque du tympan****…) se trouve malheureusement atténué par la disparition du ciborium.


Une rénovation récente de Saint-Augustin de Lyon offre de prendre la pleine mesure du génie de Chomel.

– Que fais-tu là ?
– Je veux mettre toute l’eau de la mer dans mon trou.
– Mais, mon petit, ce n’est pas possible ! reprend Augustin. La mer est si grande, et ton bassin est si petit !
– C’est vrai, dit l’enfant. Mais j’aurai pourtant mis toute l’eau de la mer dans mon trou avant que vous n’ayez compris le mystère de la Sainte Trinité.
Saint Augustin et l’enfant à la coquille
Saint-Denis de la Croix-Rousse
Sur les restes de l’église conventuelle des augustins déchaussés, l’actuelle église Saint-Denis a connu agrandissements, remaniements et embellissements aux 19ème et 20ème siècle. D’ambiance sobre , tout en obscurité, peu visible de l’extérieur, cet édifice se trouve ainsi à la fois écho et sorte d’inverse de Saint-Augustin.
Notes
*9 paroisses participeront à ce tramage. Saint-Augustin sera la 8ème, Sainte-Elisabeth, fondée en 1942., la 9ème
**Dédicace qui renvoie à Saint-Ferréo-les Augustins, point nodal de ce travail
***Comme toutes les églises paroissiales réalisées après les lois de séparation de l’Église et de l’état
****Représentant Jésus visitant une famille de canuts, suivant les codes byzantins (voir Saint-Nicolas-de-Myre à Marseille)

De la place Bellevue, à proximité, s’offre le grand paysage qui va jusqu’au Mont-Blanc (La colline de la Croix-Rousse est formée de roches poussées par les glaciers de Alpes.) A l’arrière des tours traçant la skyline de la gare Part-Dieu, on aperçoit le quartier de la Villette où je réside régulièrement.
A suivre…
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