L’église de la Trinité-La-Palud

Quand vous viendra l’idée de faire le bien, faites le tout de suite.

Abbé Fouque, vicaire

La Trinité-La-Palud, une église de son temps

Au début du 19ème siècle, Jérôme Champion de Cicé*, archevêque d’Aix-en-Provence, faisait fonction d’évêque de Marseille. Il décide de construire l’église de la Trinité-La-Palud sur les terrains de l’ancien couvent des trinitaires déchaussés. La façade du sanctuaire se trouve en front de rue. Il sera consacré en 1829.

Un intérieur sombre, de style classique, richement décoré et un peu fatigué, coupe de la rue étroite et de son agitation. Le recueillement s’impose, profond, joyeux aussi de la présence forte et simple de François d’Assise. La paroisse a été confiée aux franciscains.

Cette couche de simplicité apposée sur la profusion fatiguée de la nef fonde une contradiction fertile. Peu éclairée, l’église dispense une expérience semblable pour le visiteur de jour et pour celui de la nuit. Comme souvent à Marseille le site a connu une longue histoire urbaine, avec des formes de circularité.

L’ordre des Trinitaires à Marseille

L’ordre des trinitaires, créé en 1194, avait pour vocation le rachat des chrétiens prisonniers des musulmans. Il s’installe à Marseille dès 1202 vers la porte Galle, à proximité de l’actuelle place de la Joliette. Un second ordre partageait cette vocation, celui des Pères de la Merci. La présence de deux congrégations en charge de cette même mission fait de Marseille une exception.

Au 17ème siècle, Madeleine Demandolx de La Palud** fera donation de sa bastide aux trinitaires déchaussés, ordre réformé issu des trinitaires. Elle se trouvait à l’emplacement de l’actuel parc de Font-Obscure, à l’extérieur de la ville . Les trinitaires sortent donc de Marseille.

L’église de la Trinité-La-Palud redescend en ville

Vers la fin du 17ème siècle, les moines décident de revenir en ville et achètent des terrains rendus constructibles par la destruction des remparts médiévaux. Ils établissent un couvent et une église dédiée à la Trinité. La rue Fongate sur laquelle s’ouvre l’église prend alors le nom de La Palud, en hommage à la bienfaitrice de l’ordre. Le nom Fongate remonte alors la colline. Il s’approche de la rue d’Aubagne et du futur théâtre Mazenod, un temps couvent des bénédictins.

On est très proche du site abandonné par les Augustins trois siècles plus tôt pour descendre vers l’emplacement de l’actuelle église Saint-Ferréol.

La révolution démolira le couvent et l’église, remplacés par le domaine Ventre, ilot affecté au stockage de marchandises.

L’église de la Trinité-La-Palud au cœur du domaine Ventre

Le domaine Ventre relie trois rues, celles de la Palud, d’Aubagne et Francis Davso, avec un dénivelé est-ouest important. En remontant le passage intérieur à l’ilot, parallèle à la rue Davso, on aperçoit la nef de l’église actuelle, et le clocher du théâtre Mazenod.

Le clocher de la Trinité-La-Palud reste invisible de la rue mais on peut l’apercevoir lui-aussi de l’intérieur du domaine. En 1891 le campanile, rehaussé de 9m, accueillera quatre cloches. Elles sonnent l’angélus aujourd’hui encore.

Dans ce quartier en pente, des mouvements d’eau dérobés en sous-sol fait bouger les remblais qui supportent les immeubles. En 2018, la rue d’Aubagne plus haut a connu des effondrements dramatiques. Peu après, on démolira certains immeubles du domaine Ventre par précaution.

On renouvelle les matériaux : le carton-pierre

Fausse colonnes, arches et autels, peintures et marbrures rouges, bleues ou dorées ont embelli la nef et les chapelles de la Trinité-La-Palud. Toute en couleurs et en reliefs, l’église mêle des formes et des styles qui la déterminent comme un édifice de son temps. Le décollement de quelques parements et des emplâtres de fortune rappellent que la magnificence peut s’étioler, sans dommage profond, pour peu qu’on manifeste de la foi et de la ferveur.

Le mobilier, la statuaire sont riches, et les chapelles accueillent quelques grands tableaux.

Des maîtres du siècle comme Michel Serre ou Jean-Joseph Dassy, et d’autre, moins célèbres, ont contribué à l’embellissement de l’édifice.

Dans les chapelles ou contre des piliers, sont attachés des statues en plâtre ou en carton-pierre***, matériau nouveau, facile à utiliser mais fragile. 

Jeanne d’Arc et saint Jude tenant un gourdin et une médaille, saint Serenus****, sainte Rose de Lima, sainte Anne apprenant à lire à Marie, Notre-Dame des Douleurs, saint Jean Bosco, sainte Bernadette Soubirous et saint Roch, saint Louis, saint Christophe, saint François de Paule et le saint curé d’Ars…

On visite la Trinité-La-Palud par stations, de chapelle en chapelle, de statue en statues :

Voir la galerie des autels et statues de la Trinité-La-Palud.

Le bienheureux Abbé Fouque

Au devant de la chapelle de Saint-Serenus située à gauche du chœur, se tiennent les offices en semaine. La chapelle est consacrée à l’œuvre du bienheureux Abbé Fouque****, vicaire de la paroisse, engagé dans l’action sociale et béatifié en 2017. Il recevait sans fin les pauvres du quartier pauvre, qui attendaient dans un couloir appelé omnibus de la pauvreté.

À la croisée du transept et de la nef, de magnifiques stalles en bois présentent des accoudoirs en forme de pélicans. Le motif est fréquent : un pélican qui rejoint le pied de la croix, se frappant le flanc de son bec. De même que Jésus a donné son sang pour sauver les hommes, la femelle du pélican, dans l’esprit médiéval, s’ouvrait le ventre à coups de bec pour rendre la vie à ses oiselets.

Je suis semblable au pélican du désert 

Psaume 102, 6

Notes

*L’évêché d’Aix couvrait alors l’ensemble des Bouches-du-Rhône et du Var. Jérôme Champion de Cicé fera aussi construire Saint-Charles intra-muros

**Sœur Madeleine de Demandolx de La Palud a été une des actrices et victime de l’affaire des possessions d’Aix-en-Provence.

***Pour remplacer la sculpture sur bois, l’industrie de la décoration du 19ème siècle avait développé le carton moulé, moins onéreux. Il était cependant sensible aux intempéries. En y ajoutant de la poudre de pierre, on a obtenu le carton-pierre, utilisé largement jusqu’en 1870 pour la décoration des édifices religieux ou laïques

****Serenus, 10ème évêque de Marseille, avait fait détruire les images saintes en appliquant strictement le commandement donné par Dieu à Moïse

****Après 38 années de vicariat à la Trinité, 1926, l’abbé Fouque meurt à Saint-Joseph, l’hôpital qu’il a fondé, épuisé par une vie tout entière donnée à Dieu et aux plus pauvres. Le peuple le salue comme le « saint Vincent de Paul marseillais »


De ma fenêtre, le clocher de la Trinité semble émerger d’une mer urbaine (vers le centre de la photo).

A suivre…


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