Le cortège se trouva si nombreux, et l’affluence du peuple au passage des restes vénérés, si considérable…
Translation des reliques de Saint-Lazare : récit de l’abbé Jules Lelouche (1871)

Les reliques de Saint Lazare dans la chapelle latérale de la Major
Une cathédrale vue du large
Ouverte au culte en 1893, Sainte-Marie-Majeure rompt un temps long de 200 ans sans construction de nouvelle cathédrale en France. Les marseillais l’appellent la Major. Avec son chantier engagé en 1852,, elle prend acte de l’importante expansion de la ville depuis le début du 19ème siècle et peut accueillir jusqu’à 3000 fidèles. Sa construction suit le déplacement de l’activité portuaire vers la Joliette.
Située sur la falaise, elle donne à voir de loin, aux voyageurs arrivant du monde entier., la puissance et la beauté de Marseille. La présence d’éléments néo-byzantins aura été, ici, une affirmation du caractère cosmopolite de la ville.


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Faite de lignes de pierres vertes et blanches, l’édifice associe les éléments d’inspiration byzantine, mosaïques, coupoles, avec d’autres, romans. Son chantier est novateur, comme le sont les bâtiments publics du siècle. Trois architectes se succèderont*. Deux d’entre-eux décéderont pendant les quarante années de sa réalisation.
Une histoire longue
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Quatrième cathédrale établie sur le site, elle est perpendiculaire à la troisième, la vieille Major. On a conservé de cette dernière le cœur et une travée. Ils contrebalancent l’imposante nouvelle Major, créant, de la réunion des deux, une silhouette étrange.
La première cathédrale, construite au 5ème siècle aux limites des remparts, comprenait le plus grand baptistère des Gaules. Il mesurait 22 mètres. et sera connu jusqu’au 12ème siècle comme l’église Saint-Jean-Baptiste.
Les chrétiens marseillais ont abandonné cette première cathédrale après le repli de la ville vers la colline de Saint-Laurent, à la suite des multiples invasions qu’a connues la Provence**.

Une nouvelle façade a fermé la vieille Major après sa démolition partielle. Elle intègre en aveugle la rosace de l’ancienne église Saint-Martin, détruite lors de la percée de la rue Colbert sous le second empire. Les protestations de la Société française d’archéologie appuyées par l’opinion populaire ont permis cette conservation tronquée de l’ancienne cathédrale. La rosace est invisible de l’extérieur.
Cette circulation des mémoires architecturales accompagnée toujours d’une transmission fragmentaire de l’histoire, marques de la ville, ont renforcé le caractère spirituel de Marseille. Ils auront favorisé aussi la dimension populaire de ce caractère. La spiritualité ici mêle solennité, foi sincère et ferveur partagée, parfois proche de la superstition. Intérêts commerciaux et affirmation d’une fierté solidement ancrée dans les mémoires participent eux-aussi de ce mouvement. Contempler les deux Majors, c’est le percevoir.
Un ensemble architectural exceptionnel
Le plan en croix latine de la Major est conçu par Léon Vaudoyer. La présence simultanée de clochers et de coupoles exprime la volonté de l’architecte de se référer à la fois à l’occident et à l’orient. Les dômes et coupoles rappellent ceux des églises de ‘Constantinople.
Organisée en un édifice tripartite composé d’un portique monumental encadré de deux tours, d’une nef imposante avec ses collatéraux, et d’un massif arrière qui distribue les chapelles, la cathédrale forme un ensemble architectural exceptionnel, sans équivalent dans le siècle.

La nef centrale s’affirme gigantesque. L’élévation est rythmée par des colonnes de marbre.appuyées sur des piles où la pierre et le marbre alternent leurs tons rouge et ocre clair. La nef est éclairée par des groupes de trois fenêtres cintrées aux vitraux non figuratifs.
Les collatéraux portent des tribunes continues, percées dans l’épaisseur des piles. Elles reposent sur des colonnes monolithes en porphyre à chapiteaux de marbre sculptés de feuillages.
Le pavement en mosaïque multicolore de l’école vénitienne propose des dessins d’une remarquable originalité.
On retrouve, dans la troisième travée, Véronique essuyant la face de Jésus tombé à terre d’Auguste Carli, œuvre remarquée en son temps.
Je cherche ici, avant tout, à mettre en valeur ce qui participe du tissage spirituel et urbain de la ville. Pour cette raison, je ne poursuivrai pas la description de la Major. Le web en offre plusieurs, comme l’application proposée à la Major.


Tisser la ville, comme en boucles
Tant d’artistes du siècle, associés aux édifices marseillais, religieux ou profanes, ont contribué à la majesté de la cathédrale ! Leurs créations participent au tissage de la ville, comme en boucles, elles-aussi.
Louis Bonitelly a sculpté les 4 évangélistes monumentaux du transept de la Major. comme Le Christ d’après le Saint Suaire de Turin des Réformés. Louis Bonitelly,avec Auguste Carli, a travaillé à la réalisation de l’escalier de la gare Seint-Charles. Je le vois de mes fenêtres.

Jules Cantini a fait don du maître-autel en marbre de Carrare. Il a réalisé les maîtres-autels de Saint-Joseph et des Réformés. Celui de la Major, abrité sous un ciborium au dôme de bronze soutenu par quatre colonnes d’onyx de Tunis, est décoré de mosaïques d’Henri Antoine Révoil. Ce dernier achèvera les décors de Notre-Dame-de-la-Garde. Le porche accueille les premiers évêques de Marseille : saint Cannat, Urbain V, pape, saint Victor, saint Mauront, saint Sérénus et saint Théodore.
Tisser la ville, encore
Sur le parvis, une statue de Monseigneur de Belsunce***, héros de la peste de 1720 et archevêque de Marseille, montre ses mains tournées vers les malades. En 1747, il consacre l’église Notre-Dame Saint-Eutrope à Méounes-les-Montrieux, possession lointaine ainsi liée à Marseille et à au tissage sur ce site****.
Dieu par sa miséricorde préserve votre ville, monseigneur, du terrible fléau qui nous accable et qui a passé à Vitrolles.
Monseigneur de Belsunce

L’évêque Charles Place a décidé de l’attribution aux sculpteurs des statues de la façade, au-dessus du poche, dont Marie-Madeleine par André Allard. Ce sculpeur a marqué la ville par des interventions place Castellane, en collaboration avec Jules Caintini, et place Estrangin-Pastré. Sa vie, ses rapports à Marseille et à ses officiels, est une fenêtre sur le Marseille complexe du 19ème siècle, ses institutions civiles et religieuses. Un angle de vue vers ce temps d’édification d’églises phocéennes. Vers ce siècle aussi qui a enrichi la ville par l’industrie et les colonies. La colonisation triste et glorieuse, mise en images de si belle manière par les ensembles sculptés de l’escalier de la gare Saint-Charles.

Les statues du porche et de la façade ont été réalisées par des sculpteurs marseillais ou provençaux, comme par des artistes bénéficiant d’une réputation nationale. Sainte Marthe d’Émilien Cabuchet reste l’une des plus remarquable. Cabuchet en tirera une réduction en bronze de la statue, reproduite en plusieurs exemplaires.
18 siècles et des boucles toujours

18 siècles séparent la vie du 1er et du dernier habitant de Marseille à être sanctifié. La Major accueille les reliques de Lazare, l’évangélisateur légendaire de Marseille, dans la chapelle éponyme. La statue du saint en carton-pierre provient des ateliers d’Honoré Coder. Des statues du sculpteur se retrouvent dans plusieurs églises de Marseille, comme Saint-Cannat. Deux toiles de Dominique Papety, influencé par ses voyages au Mont-Athos, décorent la chapelle dédiée à saint Eugène de Mazenod et où se trouve son tombeau : la Sainte Famille en marche et sainte Philomène.
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Ce grand peintre né à Marseille, admiré d’Ingres, son maître, à la carrière bien engagée, est mort du choléra à 34 ans. Le Sacré-Coeur, tableau du Christ bénissant le monde avec la main posé sur le cœur et entouré d’angelots, est accroché dans une chapelle de Notre-Dame-Du-Mont.
Gabriel Joucla, auteur d’une Piéta en plâtre offerte à la méditation, a réalisé plusieurs statues et bas-reliefs pour l’église Saint-Barnabe.
Notes
*Léon Vaudoyer meurt en 1872. Jacques Henri Esperandieu, son élève et collaborateur, protestant nîmois,, lui succède. Il meurt en 1874. Henri Antoine Révoi achève la construction
**Au 10ème siècle, l’enceinte de la ville est relevée. La construction de la deuxième cathédrale, sous l’épiscopat de Pons Ier, s’achève dans la deuxième moitié du siècle. Cette église a été remplacée un siècle plus tard par la vieille Major
***Il allait donner son nom à un nouveau quartier de la ville. Sa statue le représente les mains vides, paumes tournées vers le ciel, d’où l’emploi de l’expression Arriver comme Belsunce quand on se rend à une invitation les mains vides
****Voir l’article précédent

De ma fenêtre, les dômes et clochers des Major, vieille et nouvelle, se détachent sur la mer et le ciel, confondus avec le clochers des Carmes et le dôme de la Vieille-Charité.



L’escalier monumental Saint-Charles d’Eugène Sénès et Léon Arnal depuis ma terrasse. Marseille porte de l’Orient de Carli et Les colonies d’Asie de Botinelly
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A suivre …
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