L’église de la Trinité-La-Palud

Quand vous viendra l’idée de faire le bien, faites le tout de suite.

Abbé Fouque, vicaire

La Trinité-La-Palud, une église de son temps

Au début du 19ème siècle, Jérôme Champion de Cicé*, archevêque d’Aix-en-Provence, faisait fonction d’évêque de Marseille. Il décide de construire l’église paroissiale de la Trinité-La-Palud sur les terrains de l’ancien couvent des trinitaires déchaussés. Le couvent et l’église avaient été vendus et démolis à la révolution. L’évêché et la ville rachètent les terrains et cofinancent la construction. La façade du sanctuaire se trouve en front de rue. Il sera consacré en 1829. puis béni en 1825 par Monseigneur Fortuné de Mazenod. Il est consacré à la Trinité, en souvenir de l’ordre des trinitaires.

Comme souvent à Marseille, le site a connu une longue histoire urbaine, avec des formes de circularité.

Un intérieur sombre, de style classique, richement décoré et un peu usé, sépare dès son entrée le fidèle de la rue étroite et de son agitation. Le recueillement s’impose, profond, joyeux aussi de la présence forte et simple de François. La paroisse est confiée aux franciscains.

Cette couche de simplicité apposée sur la profusion fatiguée de la nef fonde une opposition fertile. Peu éclairée, l’église dispense une expérience lumineuse qui reste la même de jour comme de nuit.

L’ordre des Trinitaires à Marseille

L’ordre des trinitaires, créé en 1194 par Félix de Valois, avait pour vocation le rachat des chrétiens prisonniers des musulmans. Il s’installe à Marseille dès 1202 vers la porte Galle, à proximité de l’actuelle place de la Joliette. Un second ordre partageait cette vocation, celui des Pères de la Merci. La présence de deux congrégations en charge de cette même mission fait de Marseille une exception.

Au 17ème siècle, Madeleine Demandolx de La Palud** fait donation de sa bastide aux trinitaires déchaussés, ordre réformé issu des trinitaires. Cette propriété se trouvait à l’emplacement de l’actuel parc de Font-Obscure, à l’extérieur de la ville . Les trinitaires sortent donc de Marseille. L’ancienne sœur ursuline avait quitté les ordres après l’affaire des possessions d’Aix-en-Provence. Restée célibataire, l’ancienne religieuse songeait aux œuvres de Dieu.

L’église de la Trinité-La-Palud redescend en ville

Vers la fin du 17ème siècle, les moines trinitaires décident de revenir en ville et achètent des terrains rendus constructibles par la destruction des remparts médiévaux. Ils établissent un couvent et une église dédiée à la Trinité. La rue Fongate sur laquelle s’ouvre l’église prend le nom de La Palud, en hommage à la bienfaitrice de l’ordre. Le nom Fongate remonte alors la colline. Il s’approche de la rue d’Aubagne et du futur théâtre Mazenod, un temps couvent des bénédictins.

On est très proche du site abandonné par les Augustins trois siècles plus tôt pour descendre vers l’emplacement de l’actuelle église Saint-Ferréol.

La révolution démolira le couvent et l’église, remplacés par le domaine Ventre, ilot affecté au stockage de marchandises. Les Trinitaires quittent alors la France. Il n’y reviendront qu’au 20ème siècle.

L’église de la Trinité-La-Palud au cœur du domaine Ventre

Le domaine Ventre relie trois rues, celles de La Palud, d’Aubagne et Francis Davso, avec un dénivelé est-ouest important. En remontant le passage intérieur à l’ilot, parallèle à la rue Davso, on aperçoit la nef de l’église actuelle, son clocher et celui du théâtre Mazenod.

Le campanile de la Trinité reste invisible depuis la rue. En 1891 le clocher, rehaussé de 9m, accueillera quatre cloches. Elles sonnent l’angélus aujourd’hui encore.

Dans ce quartier en pente, des mouvements d’eau dérobés en sous-sol font bouger les remblais qui supportent les immeubles. En 2018, la rue d’Aubagne a connu des effondrements dramatiques. Peu après, on démolira certains immeubles du domaine Ventre par précaution.

On renouvelle les matériaux : le carton-pierre

Fausse colonnes, arches et autels, peintures et marbrures rouges, bleues ou dorées décorent la nef et les chapelles de la Trinité-La-Palud. Toute en couleurs et en reliefs, l’église mêle formes, styles et matériaux. Le décollement de certains parements et des emplâtres de fortune rappellent que la magnificence peut s’étioler sans dommage profond, pour peu que se manifestent foi et ferveur.

Des maîtres du siècle comme Michel Serre ou Jean-Joseph Dassy, et d’autre, moins célèbres, ont contribué à l’embellissement du sanctuaire.

Des fleurs fraiches ornent les piliers et les chapelles de l’église, entre statues de plâtre, faïence ou carton-pierre***. Ce matériau nouveau au temps de l’édification de l’église, d’un usage facile, reste fragile. 

Jeanne d’Arc et saint Jude tenant un gourdin et une médaille, saint Serenus****, sainte Rose de Lima, sainte Anne apprenant à lire à Marie, Notre-Dame des Douleurs, saint Jean Bosco, sainte Bernadette Soubirous et saint Roch, saint Louis, saint Christophe, saint François de Paule et le saint curé d’Ars…

Invocation

Saint Pierre, saint Louis, saint Christophe, saint François, de Sales, saint curé d’Ars, priez pour nous. Notre-Dame des Douleurs, saint Jean Bosco, sainte Bernadette Soubirous, priez pour nous. Saint Roch, saint Félix de Valois et saint Jean de Matha, priez pour nous. Sainte Marie-Madeleine, saint Clair, sainte Rita de Casciat sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, priez pour nous…

La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille
La Trinité - La-Palud - Marseille

Le bienheureux Abbé Fouque

Au devant de la chapelle de Saint-Serenus située à gauche du chœur, se tiennent les offices en semaine. La chapelle est consacrée à l’œuvre du bienheureux abbé Fouque****, vicaire de la paroisse, engagé dans l’action sociale et béatifié en 2017. Il recevait sans fin les pauvres du quartier, lui-même pauvre tout entier, qui attendaient dans un couloir surnommé l’omnibus de la pauvreté.

À la croisée du transept et de la nef, de magnifiques stalles en bois présentent des accoudoirs en forme de pélicans. Le motif chrétien est ancien : un pélican qui rejoint le pied de la croix, se frappant le flanc de son bec. De même que Jésus a donné son sang pour sauver les hommes, la femelle du pélican, dans l’esprit médiéval, s’ouvrait le ventre à coups de bec pour rendre la vie à ses oiselets. L’abbé Fouque s’inscrit dans leur lignée.

Je suis semblable au pélican du désert. 

Psaume 102, 6

Notes

*L’évêché d’Aix couvrait alors l’ensemble des Bouches-du-Rhône et du Var. Jérôme Champion de Cicé fera aussi construire Saint-Charles intra-muros. Il est par ailleurs le rédacteur de la version de la Déclaration des droits de l’homme approuvée par l’Assemblé constituante

**Sœur Madeleine de Demandolx de La Palud a été une des actrices et victime de l’affaire des possessions d’Aix-en-Provence. Ce qui rapproche la Trinité-La-Palud de l’église des Accoules, de l’autre côté du port, et Saint-Victor. En effet, Louis Gaufridy, moine bénédictin de Saint-Victor et curé des Accoules aurait ensorcelé des religieuses ursulines d’Aix-en-Provence

***Pour remplacer la sculpture sur bois, l’industrie de la décoration du 19ème siècle avait développé le carton moulé, moins onéreux. Il était cependant sensible aux intempéries. En y ajoutant de la poudre de pierre, on a obtenu le carton-pierre, utilisé largement jusqu’aux années 1870 pour la décoration des édifices religieux ou laïques

****Serenus, 10ème évêque de Marseille, avait fait détruire les images saintes en appliquant strictement le commandement donné par Dieu à Moïse

****Après 38 années de vicariat à la Trinité, 1926, l’abbé Fouque meurt à Saint-Joseph, hôpital qu’il a fondé, épuisé par une vie tout entière donnée à Dieu et aux plus pauvres. Le peuple le salue comme le saint Vincent de Paul marseillais


De ma fenêtre, le clocher de la Trinité semble émerger d’une mer urbaine (vers le centre de la photo).

A suivre…


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