Notre-Dame-des-Accoules à Marseille

AUXILIUM CHRISTIANORUM

Inscription sur le fronton de la nouvelle église Notre-Dame-des-Accoules.

Au pieds d’une falaise

Notre-Dame-des-Accoules s’appuie sur une falaise en arc de cercle qui la surplombe. Son nom provient de cette forme qui s’est imposée à elle. Plusieurs fois démolie, elle pourrait avoir remplacé un temple dédié à Minerve*.

En 1793, l’église gothique** accueille les assemblées engagées dans l’insurrection fédéraliste marseillaise contre la Convention. En punition pour la ville, les jacobins la détruiront, avec l’élimination des girondins fédéralistes, comme ils rebaptiseront Marseille La Ville Sans-Nom. Déréalisation et destruction comme une négation renouvellée après le retrait de l’église du service cultuel et paroissial.

La démolition se termine en 1808, grâce à la main-d’œuvre des ateliers de charité, une organisation qui fournissait du travail aux indigents. On épargnera le clocher qui donne l’heure pour le port, ainsi que le mur du fond appuyé à la falaise. Il conserve les traces ogivales de ses nefs. Le sanctuaire comprenait deux églises superposées.

Un ’escalier relie les Accoules à la maison du Calvaire, au dessus et au nord de la falaise. Il structure un des îlots les plus complexes de la ville, en pente raide, entre la montée des Accoules et celle du Saint-Esprit. Joseph Pougnet , prêtre et architecte qui avait repris la construction de l’église des Réformes, a pu ainsi faciliter la circulation des religieux entre leur résidence, la maison du Calvaire, et le nouveau sanctuaire, circulaire.

L’église actuelle, ronde comme le monde

Le 2 janvier 1820 débute une mission évangélisatrice à Marseille. Une grotte figurant le Saint-Sépulcre surmontée d’un calvaire en rocaille, est aménagée contre le mur des anciennes églises. Une grille ferme la place au devant qui est nivelée. Le 27 février, la Croix de fin de mission est solennellement érigée sur le calvaire, après une longue procession dans la ville. La cérémonie se déroule dans une grande ferveur, mais aussi dans un climat trouble Au théâtre on donne une représentation de Tartuffe. Le Phocéen, journal marseillais, prend pour cible les prêches et tourne en dérision l’immense crucifix.

L’agitation autour de ce quartier, Accoules et Panier, ancienne, s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui, peut-être calmée par la gentrification.

La nouvelle église est bâtie à droite du calvaire, encastrée dans les rochers de la montée du Saint-Esprit. La forme du terrain inspire un plan centré et une coupole en imitation du Panthéon. Une façade plane à trois travées avec pilastres et fronton vient masquer la forme circulaire de l’édifice***. Elle dialogue avec celle de l’ancien palais de justice voisin, l’hôtel Daviel.

Consacrée en 1828 comme Saint-Charles intra-muros, la nouvelle église Notre-Dame-des-Accoules est placée sous le même vocable que l’ancienne église, Notre-Dame-du-Bon-Secours.

La coupole couvre l’église dans son ensemble, rappelant que le cercle ou auréole, signe du ciel et attribut divin, marque la tête des figures touchées par la grâce***. Un bâtiment voisin, du 20ème siècle, reprend cette forme.

L’église de taille modeste accueille une statuaire simple, à son image, pour une religiosité de l’essentiel.

Un procès qui renverra à la Trinité

L’église Notre-Dame-des-Accoules reste liée à un célèbre procès en sorcellerie. Ses prologations rebaptiseront la rue de La Palud et introduiront l’édification de l’église de la Trinité-La-Palud. Les possessions d’Aix-en-Provence constituent une affaire d’hystérie collective, ou de possession et de séduction diabolique, du début du 17ème siècle.

L’histoire déborde de rebondissements. Louis Gaufridy, moine bénédictin de Saint-Victor et curé des Accoules**** aurait ensorcelé des religieuses ursulines d’Aix-en-Provence, dont les sœurs Madeleine de Demandolx de la Palud et Louise Capeau. Madeleine, sous l’emprise de Gaufridy, se fera, sans en avoir conscience, vecteur pour l’ensorcellement du couvent entier. Exorciser ce grand nombre des possédées se révéla une tâche ardue. Plusieurs exorcises restèrent impuissants face à des démons tenaces.

Louis Gaufridy, jugé par le Parlement de Provence, questionné à plusieurs reprises, après que les sœurs et les démons aient parlé, reconnut être magicien. Il mourut sur le bûcher en 1611.

Les cendres de l’abbé furent jetées au vent et, pour certaines, portées vers d’autres couvent bientôt saisis eux aussi par des démons*****.

Plus que récit à rebondissement, ces évènements et leurs résurgences racontent, à leur manière, les tréfonds d’un temps qui poursuit la réforme dans ces terres très catholiques.

Une réécriture ?

Cette histoire des Accoules en orbe qui articule dans une temporalité humaine, croyances antiques, superposition d’églises, destructions, exils et effacements en punition, démons et déport, exode vers une rue, celle la Palud, elle-même déport avec renomination double, au profit de la libération des prisonniers, et la Trinité, par le chemin que trace l’église éponyme et voyageuse, n’écrit-elle pas avec ses propres mots une histoire qui nous est familière, un récit en entrelacs de la relation des hommes et de Dieu***** ?

Je verrai des choses admirables si j’oriente tout vers la louange de Dieu et le bien des hommes.
Angèle Merici, fondatrice des ursulines

Notes

*Bien que l’implantation de ce temple reste incertaine

**Eglise devenue bien national

***Charge lucrative obtenue par la famille de Madeleine de Demandolx

****Après que le démon Vérinne eut accusé Gaufridy d’être la cause de la possession de Madeleine, l’exorciste Domptius comptabilisa 666 démons qui se partageaient la possession de son corps

*****L’article consacré à la Trinité-La-Palud apporte des éléments complémentaires à l’appui de cette vision


De ma fenêtre, je vois le clocher, avec la mer et les îles. L’horloge, tournée vers le port, se devine.

A suivre…


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