
En apprenant cela, Jésus dit : cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié.
Jean 11, 4
Marseille conserve une mémoire exceptionnelle de ses églises paléochrétiennes. Saint-Victor dont la crypte est une des rares églises primitives conservées dans son intégrité, du moins en élévation. Le site de la Major, fouillé à plusieurs reprises depuis 1850, avec son église primitive, son baptistère de grande taille et ses bâtiments résidentiels. Et la surprise de la rue Malaval, une memoria hors les murs.
Saint-Victor
Les ports de Provence constituent la principale voie d’entrée du christianisme en Gaule aux 1er et 2ème siècles. La plus ancienne mention d’un chrétien de Marseille est celle de son évêque Oresius qui assiste au concile d’Arles en 314.


Crypte de Saint-Victor et sarcophage d’Abraham (milieu du 5ème siècle)
Peu avant, Victor meurt en martyr à Marseille. Le récit prend une forme légendaire mais la dévotion immédiate dont il fait l’objet atteste de la réalité du saint. Des chrétiens ont souhaité reposer ad sanctos, à proximité de son corps inhumé dans une nécropole qui porte son nom. Ils espèrent bénéficier de sa protection dans l’Au-delà. La nécropole Saint-Victor réunit un grand nombre sarcophages, parfois superposés.
La première église Saint-Victor sera édifiée au début du 5ème siècle sur ce cimetière, à l’initiative de l’évêque Proculus.
Quelques décennies plus tard Jean Cassien fondera un premier monastère Saint-Victor. L’emplacement exact de la 1ère abbaye reste incertain. Ce qui est plus assuré, c’est que l’évêque de Marseille s’installe sur le site. Pour des raisons de sécurité, il rejoindra l’autre rive du port entre les 8ème et 10ème siècles, puis Arles. Les troubles du temps, les sarrasins, et les pirates, causeront la ruine de l’abbaye.
Après 950, un monastère s’établit à l’emplacement de l’actuel Saint-Victor, sur le site de l’église primitive. Il connaître un âge d’or pendant les 2 siècles qui suivront*. L’ancienne église Saint-Victor devient crypte après la construction de l’’église du couvent qui la recouvre. Le mouvement suit l’élévation du niveau de la ville. Cette crypte constitue un témoignage exceptionnel du fait de sa conservation. Elle raconte les églises du 5ème siècle.
Le site de la Major
Le site épiscopal occupe une partie un peu excentrée de la ville antique, proche du forum. Il domine la mer depuis son promontoire. Visible par les marins qui rejoignaient ou quittaient le port, il soutenait des formes de dévotions d’approche ou de départ qu’ont poursuivi les édifices successifs.


L’ensemble épiscopal de la Major, bien documenté par l’archéologie et les écrits de François Roustan**, comprend trois parties : un baptistère, la cathédrale et la demeure de l’évêque. Le baptistère monumental, dont l’emprise atteignait 600 m², disparaîtra sous le transept de l’église moderne. On procédait aux baptêmes dans une cuve octogonale à gradins d’environ 4,40m de diamètre sur 0,70m de profondeur.
La première cathédrale de Marseille, longue de 50 m pour 25 de large, comptait trois nefs. La longueur de l’église représente le double de celle du baptistère. Les façades occidentales de ces deux monuments étaient alignées***. Des mosaïques de grande qualité, en partie retrouvées, décoraient le sol de la cathédrale. Des études stylistiques permettent de les dater du début du 5èle siècle. Elles ont établi que ces pavements proviennent d’Afrique et du nord de l’Italie.
La vaste demeure épiscopale est elle aussi richement décorée. Les répertoires décoratifs utilisés pour le pavements montrent là aussi que les mosaïstes provenaient d’ateliers nord-africains.
Très tôt, Marseille a déporté vers une marge urbaine ouverte vers le monde, face à la mer, sa cathédrale,. La ville a trompé ainsi la pratique de l’Eglise-Cité qui place l’espace épiscopal dans le centre des villes. Peut-être le fait que la ville ait sauté, pour l’essentiel, le temps gothique, participe-t-il à cette réalité.
La memoria de la rue Malaval
Pour les archéologues de l’INRAP, la présence d’une nécropole à cet endroit. était prévisible Elle se situe le long d’une voie antique, à l’extérieur mais à proximité des remparts. Par contre, l’existence d’une église funéraire a constitué une surprise. L’église a été construite au 5ème siècle, à l’emplacement d’un édifice romain à vocation funéraire****. Elle mesure plus de 35 m de long pour 16,50 m de large., avec une abside orientée à l’est et une nef unique.
Le chœur abritait encore, lors de sa découverte, une partie de son aménagement liturgique : la base d’un autel, un caisson à reliques ainsi qu’une tombe fondatrice (memoria), recouverte de plaques de marbre décorées. Cette sépulture renfermait les restes de deux hommes d’âge mûr. On les avait inhumés dans des cercueils de plomb, placés dans des sarcophages de calcaire. Des orifices supérieurs et inférieurs permettaient d’introduire de l’huile, de la sanctifier au contact des saints avant de la recueillir et de s’enrichir spirituellement de ses bienfaits. Ce dispositif dit la sainteté des personnages inhumés.
Par dévotion pour les grands saints qui ont christianisé Marseille comme les campagnes de la Gaule, j’ai baptisé Lazare et Martin les deux saints anonymes.
Peut-être une quatrième église
Saint Cassien aurait fondé un second monastère, Saint-Sauveur, destiné à des religieuses. Il a donné son nom aux caves Saint-Sauveur, entrepôts bien antérieurs, creusés du temps de la ville grecque. L’actuelle place de Lenche recouvre ces docks antiques. Ils auraient accueilli le monastère. Le triangle des églises paléochrétiennes trouverait ainsi un complément vers son centre.
Notes
*A partir du 10ème siècle, la vie s’organise à Marseille autour de trois pouvoirs : les vicomtes de Marseille, l’évêque et l’abbé de Saint-Victor
**L’un des architectes de l’actuelle Major
***Cette disposition se retrouve sur plusieurs sites d’églises paléochrétiennes de Provence, avec cependant des baptistères de taille plus réduite (Aix, Fréjus, Riez). Au-delà, on retrouve aussi des groupes épiscopaux, parfois très importants, comme, notamment, celui de Paris.
****Il est possible que l’ensemble corresponde à la basilica sancti Stephani (basilique de Saint Stéphane) mentionnée par Grégoire de Tours au 6ème siècle

Saint-Martin – Retable du Saint-Sacrement –
Saint-Georges –Haguenau
Martin s’étant endormi vit Jésus-Christ revêtu de la moitié du manteau dont il avait couvert la nudité du pauvre ; et il entendit une voix qui lui ordonnait de considérer attentivement le Seigneur et de reconnaître le vêtement qu’il lui avait donné.
Sulpice-Sévère dans la Vita Sancti Martini

De mes fenêtres, je vois le site de la Major et celui de Saint-Victor. La place de Lenche se cache derrière la colline du Panier et la rue Malaval est masquée par les bâtiments de la rue Bernard Dubois.
Laisser un commentaire