Que les hommes sachent bien qu’ils sont des hommes.
Sermon II, 1 de Bernard de Clairvaux

Le destin d’une chapelle
Proche de Colbert, Nicolas Arnoul est nommé en 1625 intendant des galères et des fortifications de Provence et de Piémont. Il arrive à Marseille couvert de dettes avant de s’enrichir grâce aux travaux d’agrandissement de la ville. Pour établir l’arsenal des galères, il s’approprie le plan Formiguier, actuelle partie est du quai des Belges, qui était utilisé pour la construction de bateaux de commerce. Il prive ainsi les marseillais d’une fonction vitale pour leur économie.

Blâmé par Colbert, l’intendant met à disposition des armateurs marseillais les terrains de l’actuel quai de rive neuve après en avoir exproprié les bernardines.
Les religieuses édifient alors un nouveau couvent hors les murs, réalisé par Baltasar Dreveton et décoré par son ami Jean-Michel Verdiguier*. Elles s’installent en 1751 dans un édifice d’une grande austérité architecturale et d’une pureté d’inspiration cistercienne.
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La révolution expropriera une seconde fois les bernardines. Le couvent deviendra caserne, avant d’accueillir le premier musée des Beaux-Arts de Marseille puis le lycée Impérial, futur lycée Thiers.
En 1794, une commission dresse l’inventaire des tableaux confisqués aux congrégations marseillaises. Sous le nom de Conservatoire des Arts, elle rassemble des œuvres de peintres comme Pierre Mignard, Pierre Puget ou Michel Serre.
En 1804, l’église des bernardines accueillera ces peintures. On déplace auparavant l’autel à baldaquins dans l’église Saint-Cannat qu’il magnifie toujours. L’œuvre monumentale inspirera Jules Cantini pour la réalisation de l’autel de Saint-Charles intramuros.

En 1869 le musée est transféré au Palais Longchamp** et l’église devient chapelle du lycée. Désaffectée en 1937 elle sert de salle d’exposition puis deviendra théâtre de création et de recherche*** à partir de 1987.
Un dôme qui couvre et couve

Le dôme des bernardines fait comme une coulée lisse et régulière qui s’évaserait. C’est ainsi que je le vois de ma fenêtre. Il rappelle ceux de l’église Sainte-Genevière à Paris (actuel Panthéon) ou de Saint-Pierre de Rome qui lui sont contemporains.
L’absence de lanterneau et sa forme elle-même, en flux de zinc, conduisent dans un mouvement étrange de l’extérieur vers l’intérieur, le nôtre, vers le recueillement. Il nous couve en quelque sorte.
Depuis la salle de spectacle du théâtre, le dôme couvrant est imperceptible pour le spectateur, serré entre les colonnes de la nef et installé dans son fauteuil rouge.

La programmation du théâtre portée par ses créateurs, Alain Fourneau et Mireille Guerre, garde quelques échos de l’histoire de l’édifice et de ses multiples vocations.
On retrouve dans la saison 2024-2025 Encore une journée divine, For gods only , Célébration, Mythologies ou La Mélodie du bonheur dont plusieurs scènes qui se situent à ‘lAbbaye bénédictine de Nonnberg****.
Par la montée rude… vers la Jérusalem de la liberté,
celle d’en-haut, notre Mère.
Bernard de Clairvaux

Notes
*Ils ont tout deux poursuivi leur carrière en Espagne et y on terminé leur vie. Parmi leurs réalisations les plus célèbre, on retrouve El Triunfo de San Rafael à Cordoue
**L’église avait été jugée trop sombre pour assurer sa vocation de musée
***Les Bernardines deviendront ainsi un théâtre comme l’était devenue, soixante ans plus tôt, l’église des bénédictins ou Théâtre Mazenod, en recherche aujourd’hui d’un destin
***Voir la comédie musicale de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein, merveilleusement adaptée au cinéma par Robert Wise

Le dôme des Bernardines depuis mes fenêtres, au coucher du soleil.
A suivre…
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