La Chapelle de la Vieille Charité – Marseille

Pélican plein de bonté, ô Seigneur Jésus,
Lavez dans votre sang nos souillures,
Une goutte suffit pour effacer
Toutes les scélératesses de ce monde

Saint Thomas d’Aquin

Parc de la Tête d’or – Lyon

Le pouvoir de la pierre

L’architecture et la pierre portent l’exposé d’une conception du monde tant spirituelle que temporelle. La Vieille Charité, merveille d’un temps en transformation, délivre sa part de la réalité d’un siècle, le 17ème. L’établissement sanitaire porte une intention pénitentielle, pour libérer les pauvres des fautes qui les auraient conduits vers leur état. Et aussi pour rectifier leur conduite au travers d’un travail moral construit au sein de l’Église.  L’Europe sortait des temps où la pauvreté pouvait être auréolée de gloire au sein du christianisme.

A la suite de l’édit royal sur l’enfermement des pauvres et des mendiants, le conseil de la ville de Marseille décida, en 1622, de renfermer dans un lieu propre et choisi par les consuls, les pauvres natifs de Marseille. Ce sera la Vieille-Charité initialement appelée Notre Dame de la Charité.

Les politiques de l’état-royaume concrétisées par cet édit, ont croisé la vision qu’avaient les villes de leurs rôles et responsabilités et une perception transformée de l’Église tournée vers l’encadrement moral et l’éducation. Avec le temps, le chiffre des personnes internées croit jusqu’à 1059 en 1760.

Puis, progressivement, la volonté d’enfermer les pauvres recule. Le nombre de personnes internées diminue pour atteindre 250 en 1781.

Dans le même temps, des prêtres comme des laïques ont cependant continué à privilégier l’assistance des pauvres sur l’enfermement, à l’exemple de Saint Vincent de Paul. L’approche de la vérité de Dieu ne saurait se passer de contradictions ou de diversité.

La Vieille Charité

Bref passage sur la vie de l’institution

Ségrégation entre pauvres citoyens et étrangers, désir de ne plus voir ce qui gêne ou inquiète, volonté d’assister les corps et les âmes, de punir et de redresser ont conduit à la création d’institutions particulières. Insérer par l’apprentissage des métiers, les enfants plus particulièrement, constituait un objectif complémentaire, plus positif. L’ Hospice de la Charité* en représente l’exemple marseillaise .

Il y a là une histoire des communautés humaines, de ses méfiances envers l’autre , celui de l’intérieur comme celui d’ailleurs. A la fois fascinante et effrayante, elle fait écho en notre temps et semble porter un fond humain inextinguible.

L’ensemble est progressivement abandonné puis occupé de manière plus ou moins régulière jusqu’aux années 60,. Plus tard, il sera rénové** en vue d’accueillir des activités culturelles et universitaires. Il est aujourd’hui le joyau de Marseille et fait comme son propre écrin.

Construit en pierre rose et blanche de de la Couronne , la Vieille Charité s’organise de façon rigoureuse *** avec quatre ailes fermées sur l’extérieur et ouvertes sur une cour rectangulaire. Des galeries sur trois niveaux rythment formes et vie à l’intérieur de l’édifice. Dans la cours, décentrée , sur un axe nord-sud, la chapelle.

La chapelle se la Vieille Charité

La chapelle de la Vieille Charité, construite entre 1679 et 1707, est une merveille baroque au dôme deux fois ovoïde. Elle constitue le contre-pied de bâtiments marqués par la rigueur du grand siècle qui ne tolère le baroque que s’il se cache derrière le classicisme. Pierre Puget, architecte de l’ensemble a travaillé à Gênes et Florence. Il est parvenu à faire émerger son goût propre au travers de la contrainte implicite issue des penchants d’un roi autoritaire et rigoureux.

La réalisation de la façade, longtemps laissée en attente, attendra 1863. Son porche à colonnes illustre la Charité accueillant les enfants indigents. Deux pélicans les nourrissent.

Un dôme avant-tout

Placée dans le tiers sud de la cours, dans l’axe de l’entrée, la chapelle de la Vielle-Charité de 37 mètres de long et 24 de large, atteint une hauteur de 28 mètres. Le dôme de pierre, lisse, ovale sur son horizontale et en demi-ovale sur sa verticale, rend comme par deux fois hommage à la perfection divine. Chaque pierre a été taillée pour occuper la place qui lui revient. Sous la coupole, le tambour est percé de larges fenêtres encadrées par des pilastres.

L’organisation des espaces et circulations vise la séparation. Les recteurs, échevins et bienfaiteurs pouvaient assister aux offices sans jamais croiser les pensionnaires, eux-mêmes séparés entre femmes, hommes, garçons et filles. Escaliers, couloirs, galeries et grilles structurent ainsi l’espace à l’intérieur du sanctuaire, soulignant la merveilleuse ambiguïté qu’il prolonge : donner à voir la gloire de Dieu et prolonger les intentions humaines, la ségrégation et la réprobation morale.

En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.

Marc 6,34

Notes

*Voir Le grand enfermement , analysé par Michel Foucault, dans Histoire de la folie à l’âge classique – 1962

**Avec cependant un petit pan coupé au nord-est et un angle pas tout à fait droit

***Pour en lire davantage sur la Vieille Charité on peut se référer, notamment, à cet article


La Vieille Charité, la Major et les Grands Carmes

De mes fenêtres, à la droite de la Major et de Notre-Dame des Carmes, je vois l’ovale du dôme gris et lisse de la chapelle de la Vieille Charité, découpé sur la mer.

A suivre…



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