La Chapelle de la Vieille Charité – Marseille

Pélican plein de bonté, ô Seigneur Jésus,
Lavez dans votre sang nos souillures,
Une goutte suffit pour effacer
Toutes les scélératesses de ce monde

Saint Thomas d’Aquin

L’architecture, la pierre, peuvent devenir l’exposé d’une conception du monde temporelle et spirituelle. La Vieille Charité, merveille d’un temps en transformation, délivre sa part de la réalité de son siècle, le 17ème. L’établissement est organisée de manière pénitentielle, à la fois pour punir les pauvres des fautes qui les auraient conduits vers leur état et pour rectifier leur conduite au travers du travail et d’un corpus moral qui s’est construit au sein de l’Église. 

Les politiques de l’état sous Louis XIV, ont croisé la vision qu’ont les villes de leurs rôles et responsabilités et une perception transformée de l’Église tournée vers l’encadrement moral et l’éducation au sortir d’un temps où la pauvreté pouvait être auréolée de gloire par le christianisme. Chacun est cependant traversé de ses propres contradictions *.

La Vieille Charité

Ségrégation entre pauvres citoyens et étrangers, désir de ne plus voir ce qui gêne ou inquiète, volonté d’assister les corps et les âmes, de punir et de redresser, d’insérer par l’apprentissage des métiers, les enfants plus particulièrement, ont conduit à la création d’institutions particulières**. L’ Hospice de la Charité***en constitue l’exemple marseillaise (voir legrand enfermement , analysé par Michel Foucault, dans Histoire de la folie à l’âge classique – 1962).

Il y a là une histoire des communautés qui trouve un écho aujourd’hui, à la fois fascinante et effrayante (pour en lire davantage sur la Vieille Charité on peut se référer, notamment, à cet article). Le bâtiment progressivement abandonné a été occupé de manière plus ou moins régulière jusqu’aux années 60, avant d’être rénové.

La chapelle de la Vieille Charité, construite entre 1679 et 1707, est une merveille baroque au dôme deux fois ovoïde, contre-pied d’un bâtiment marqué par la rigueur du grand siècle qui ne tolère le baroque que s’il est mêlé de classicisme. Pierre Puget, architecte de l’ensemble a travaillé à Gênes et Florence. Il est parvenu à faire émerger son goût propre au travers de la contrainte implicite issue des penchants d’un roi démonstratif et rigoureux.

La façade, longtemps laissée en attente, a été réalisée en 1863. Son porche à colonnes illustre la Charité accueillant les enfants indigents. Deux pélicans les nourrissent.

Placée au centre de la cours, dans l’axe de l’entrée, la chapelle de la Vielle Charité de 37 mètres de long et 24 de large, atteint une hauteur de 28 mètres. Le dôme de pierre, lisse, ovale sur son horizontale et en demi-ovale sur sa verticale, rend comme par deux fois hommage à la perfection divine. Chaque pierre a été taillée pour occuper la place qui lui revient. Sous la coupole, le tambour est percé de larges fenêtres encadrées par des pilastres.

Chapelle de la Vieille Charité

L’organisation des espaces et circulations vise la séparation. Les recteurs, échevins et bienfaiteurs peuvent assister aux offices sans jamais croiser les pensionnaires, eux-mêmes séparés entre femmes, hommes, garçons et filles. Escaliers, couloirs, galerie et grilles structurent alors l’espace à à l’intérieur de l’église.

De mes fenêtres, à la droite de la Major et de Notre-Dame des Carmes, je vois l’ovale du dôme gris et lisse de la chapelle de la Vieille Charité, découpé sur la mer.

La Vieille Charité, la Major et les Grands Carmes

*Des prêtres comme des laïques ont privilégié l’assistance des pauvres (voir en particulier l’action de Saint Vincent de Paul)

*A la suite de l’édit royal sur « l’enfermement des pauvres et des mendiants », le conseil de la ville de Marseille décida, dans sa séance du 8 décembre 1622, de « renfermer dans un lieu propre et choisi par les consuls, les pauvres natifs de Marseille »

***L’ensemble ne deviendra la Vieille Charité qu’après le déménagement de ses derniers pensionnaires vers l’hôpital Saint-Marguerite, la Nouvelle Charité, après avoir été renommé l’Hospice de la Vieillesse et de l’Enfance en 1796, avec sa réorientation vers l’accueil des vieillards et des indigents et la réunion des hôpitaux de la ville

A suivre…



Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *