À Dieu ne plaise ! répondit-il, que j’abandonne un peuple… puisque je suis son pasteur.
Monseigneur Beslunce lors de la grande peste de 1720

Transformée par la volonté du roi
En 1660, Louis XIV soumet Marseille, ville turbulente. Dans les années qui suivent, l’intendant du roi, Nicolas Arnoult, souvent en conflit avec la municipalité, va la développer et l’embellir, et s’enrichir. par des acquisitions et investissements judicieux.
Il fait démolir les remparts médiévaux, remplacés par une nouvelle enceinte. La superficie intra-muros en est triplée. Le quartier qui allait devenir Belsunce* recouvre presque parfaitement l’espace gagné avec la nouvelle enceinte vers le nord et l’est, délimité au sud par la Canebière, alors rue Noailles. Au-delà du rempart, l’urbanisation gagnera peu à peu. Le Lazaret Saint-Martin d’Arenc, réalisé en 1663 hors-les-murs accueillera les malades. Il doit protéger le ville des risques de contagion.
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Un décret royal de 1666 institue cette ville nouvelle, sans consultation ni information préalable des marseillais. Il s’agit d’une affirmation du pouvoir absolu du roi.

L’accueil des congrégations
Avant la construction de la nouvelle enceinte, le futur quartier Belsunce accueillait déjà de nombreuses propriétés religieuses. Elles recherchaient le calme et aussi des espaces généreux pour leurs jardins et cultures. Les couvent dont le nombre continue de croitre après 1660, prospèrent jusqu’à la révolution, occupant une partie très significative de l’espace.
Des traces de ces établissements subsistent de trois manières : les anciens plans de la ville, le nom actuel des rues et les églises ou leurs restes, parfois révélés par l’archéologie.
On retrouve ainsi la présence ancienne des Capucins, Récollettes, Dominicaines, Présentines, Petites Marie ou Visitandines, de la Mission de France, des Jésuites, Dominicains, frères mineurs, béguines de Roubaud, Capucines, prêtres du Saint-Sacrement, Récollets, religieuses de Sion qui tenaient un hôpital rue des Convalescents, des Pères de la Merci qui rachetaient les chrétiens captifs**, de la congrégation de Saint-Homebon, des filles de la Providence…

Dans le quartier qui accueillait aussi le jeu de paume, des étuves, des théâtres, des prostituées, subsistent deux églises , Saint-Théodore et l’église de la Mission de France, et une façade de l’église de la Merci, incluse dans un immeuble. Le couvent des Visitandines a été rénové pour accueillir une maison des sports.

Spéculation et politique
Artisanats et fabriques, souvent polluants ou dangereux, quitteront les anciens quartiers pour rejoindre le futur Belsunce sous la pression des autorités de la ville. Ces dernières étaient soucieuses de sécurité et de salubrité. Peu à peu des congrégations qui souhaitent conserver clame et air pur, cèdent leurs propriétés valorisées par cette extension urbaine et s’éloignent vers le nord et l’est. Pus tard, la révolution saisira les biens restant des congrégations, revendus, démantelés puis bâtis. S’établit alors une image urbaine du quartier qui s’approche du Belsunce contemporain. Les anciens couvents sont réduits à l’état de traces, à l’exception des deux églises mentionnées plus haut.

Pendant la Révolution le cloître des Récollets devient l’arsenal de la garde nationale après le retour de l’expédition girondine de 1792 dirigée par Barbaroux de Rebecquy, contre la ville d’Arles. Le 28 avril des gardes nationaux se servent de boulets pour jouer au jeu provençal, ancêtre de la pétanque. Une explosion s’en suit, qui fera trente-huit morts et des blessés et détruira le cloitre.
Rue Thubaneau***, la Marseillaise a été chantée la première fois à Marseille. Dans cette même rue, les jacobins se réunissaient dans l’ancienne salle du jeu de paume. Les jacobins comme les girondins ont ainsi établi un lien avec le quartier.
Une histoire du 20ème siècle
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Puis, peu à peu, pris entre gare et port, Belsunce devient « le centre, c’est le cœur de Marseille… Il a vu le passage des vagues successives de migration et reste au centre même des politiques marseillaises parce que, précisément, c’est le quartier qui se voit et se montre… On l’a vu comme un lieu central et un lieu d’éviction… »****
Présence de grossistes en textile et accessoires de mode, rénovation de la place de la Providence et du couvent des visitandines en équipement sportif, habitat délabré et patrimoine de valeur, points de deal : quel devenir pour Belsunce au siècle suivant ?
La mesure de la Providence de Dieu sur nous, est la même que celle de la confiance que nous avons pour Lui.
Sainte Jeanne-Françoise de Chantal
Les entretiens spirituels aux Filles de la Visitation

Notes
*Le quartier comme le cours qui le borde à l’ouest seront baptisés Belsunce en l’honneur de l’évêque Henri-François-Xavier de Belsunce de Castelmoron, héros de la peste de 1720
**De même que les Trinitaires. La présence des deux ordres à Marseille est une exception en dehors de Paris. Elle montre l’importance de Marseille pour le rapatriement de ces chrétiens
***Dans cette rue se trouvait un tubanèu (provençal), salle où l’on se réunissait pour fumer. Cette salle a donné son nom à la rue
****Emile Temime dans Alain Hayot et Emile Témime. Belsunce et les politiques urbaines à Marseille. Discussion animée par Sylvie Mazzella et Véronique Manry

De ma fenêtre, je survole Belsunce vers les Carmes, la Major, les Accoules et la mer. Je peux y plonger.
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A suivre…
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