Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie.
Jean 8, 12

Une église comme affirmation
Claire, vaste et rigoureuse, toute en magnificence, l’église de Molsheim est là pour surprendre et pour déplacer. Trop grand, trop riche avec ses deux chapelles célèbres et sa nef régulière, si longue à parcourir, l’édifice offre une démonstration de gloire. La gloire de Dieu qui s’expose pour les fidèles. Et celle de l’Église qui triomphe face à la Réforme.

Au 16ème siècle, le protestantisme domine à Strasbourg et les évêques font appel aux jésuites pour renforcer le rayonnement catholique en Alsace. Un collège et sa chapelle, implantés à Molsheim sur le site d’un hôpital médiéval, en seront les joyaux. Leur éclat s’étendra sur un large territoire et dépassera Strasbourg.
En 1614, Léopold de Habsbourg, nouvel évêque de Strasbourg et frère de l’empereur Ferdinand II, décide de construire un collège plus spacieux encore et mieux disposé. Il ordonne de bâtir aussi une nouvelle église. Elle sera imposante, une déclaration toujours plus forte de la puissance du catholicisme. Le sanctuaire comprend 8 portes et mesure 72 mètres, ce qui en fait la deuxième église d’Alsace par sa longueur.
Un duo assure sa réalisation. Christophe Wambse en tant que maître d’œuvre et Jean Isfording, jésuite et recteur du collège, comme directeur des travaux. La construction prendra moins de trois ans et s’achèvera en 1618*.
Après la suppression de l’ordre des jésuites, le sanctuaire deviendra église paroissiale sous les vocables de la Très-Saint-Trinité et de Saint-Georges**. Une ancienne église dédiée au saint tueur de dragon menaçait ruine. et sera démolie.

Une église en lumière
La mitoyenneté du collège ne permettait pas de créer une façade majestueuse à l’ouest. Ce sont les façades nord et sud qui seront privilégiées, sur les côtés de la nef. Des contreforts et pignons chantournés vont les embellir***, au niveau du transept. Deux élégants clochers complèteront l’ouvrage. La toiture courant d’un bout à l’autre de l’édifice participe de sa monumentalité.
L’église propose un archétype de la construction hybride de style gothique tardif, une spécialité jésuite. A l’intérieur, l’opposition entre la rigueur de la nef et la riche décoration des deux chapelles du transept peut déconcerter le visiteur-pélerin. Il pourra en méditer le sens. La chapelle de droite est consacrée à la Vierge et celle de gauche à saint Ignace (on trouve une description détaillée de l’édifice ici).

L’ensemble est placé sous la bénédiction de la lumière qui est Parole de Dieu, offerte à tous. Les vitraux de la nef sont transparents. Les verrières qui bordent les tribunes des collatéraux comme celles de l’étage inférieur délivrent une clarté en second jour, d’une manière égale. Cette Parole délivrée à tous, chacun l’entend comme donnée pour éclairer sa voie propre.

Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde.
Jean 1, 9
Les chapelles du contraste
Dans les chapelles du transept, le mobilier, la statuaire, comme les tableaux participent par touches, comme en soutien de l’architecture, au déploiement d’un récit mêlé. Il sera à la fois théologique, religieux et politique : lumière, magnificence et grandeur.
La chapelle Saint-Ignace accueille des peintures et des fresques retraçant des épisodes de la vie du saint. Elles ont accompagné sa canonisation en 1622. Depuis la restauration de la chapelle, ces œuvres renvoient une belle limpidité portée par la netteté des traits et la blancheur des stucs alentour, pour une plus grande gloire de Dieu****. Devant l’autel, le tableau de la Croix de Niedermunster*****.



La chapelle de la Vierge occupe l’emplacement de l’ancien sanctuaire de l’hôpital médiéval. Elle accueille le tombeau de Jean de Dirpheim, évêque de Strasbourg, qui avait fait bâtir ce dernier lors d’un épisode de peste. Quatre personnages ornent l’entrée de la chapelle, probablement des jésuites. Les peintures et les fresques datent de 1648. Elles sont l’œuvre d’un membre de la dynastie Audran.

Les révolutionnaires ont mutilé le gisant de Jean de Dirpheim. La statue a été remise en place lors de la restauration de l’église, dans les années 1980. Aux pieds de l’évêque, deux lions affirment la magnanimité d’un homme d’Église et non, comme souvent ils en ont la charge, le courage d’un soldat.

Jean-André Silbermann a ajouté un joyau à l’église, le seul orgue d’Alsace à posséder un clavier d’écho complet de quatre octaves.

Notes
*Pour comparaison : le délai entre le début du chantier de l’église Saint-Cannat de Marseille et sa consécration en 1619, un an après l’église de Molsheim, approche les 90 ans
**L’Alsace vénère saint George au travers de nombreuses paroisses. Marseille, pour sa part, accueille plusieurs églises Saint-Georges, dont celle intégrée dans l’immeuble du même nom, des églises orthodoxes ou catholiques de rite orthodoxe
***Chantourné désigne en architecture certains types de pignons présentant des successions de courbes
**** Souvent considérée comme la devise historique des jésuites, avec En todo amar y servir – Source www.jesuites.com
****Suivi de cinq chevaliers, un chameau chargé d’une relique de la vraie Croix partit de Bourgogne et ne s’arrêta qu’au pied du Mont Sainte-Odile. Cet endroit fut choisi pour la construction de l’abbaye Sainte-Marie de Niedermunster (lire l’histoire complète)


L’immeuble le Saint-Georges vu de ma fenêtre à Marseille.
A suivre…
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