Les lazarets de Marseille

Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.
Matthieu 4, 23

Saint Roch intercède
pour les pestiférés – Jacques Louis David – MBA Marseille

Lazare, un nom

Lazare, le nom, riche et voyageur, déplace avec les siècles une histoire urbaine autant que religieuse. Elle court du temps des évangiles jusqu’au 19ème siècle, ancrée dans les croyances populaires, les homonymies et les réflexions savantes. A Marseille plus particulièrement. Les établissements qui porte pour nom Lazaret circulent eux-aussi, changent de fonction. Puis ils s’oublient.

Fondé en 1663, le Lazaret d’Arenc appelé aussi Saint-Martin d’Arenc, était, comme tout lazaret, dédié aux quarantaines. Il faisait la bordure* du quartier Saint-Lazare, voisin extra-muros du futur quartier Belsunce. Plusieurs fois agrandi, le lazaret a couvert jusqu’à 34 hectares et a fonctionné jusqu’en 1830. Il lui a fallu alors céder la place au port de la Joliette.

Le site allait plus tard accueillir l’église Saint-Lazare. Une léproserie aurait existé dans le secteur dés le 12ème siècle**.

Lazare de Béthanie, ami de Jésus, frère de Marthe et Marie, est le fondateur légendaire du christianisme marseillais. Ce caractère lié à la venue en Provence de Marie-Madeleine, 1ère apôtre du Christ, et d’autres saint évangélisateurs, place de manière singulière toute reprise du nom de Lazare dans l’histoire urbaine de la ville.

Un second Lazare, lépreux accueilli au ciel, se trouve au cœur d’une parabole composée par Jésus. Ce nom, Lazare, tissé avec Nazareth par homonymie, a conduit à Lazaret qui s’est imposé pour désigner une léproserie. Le mot renverrait aussi à l’italien lazzaretto, altération de Nazaretto, nom donné à l’hôpital de l’île de Santa Maria di Nazaret, proche de Venise, fondé au 15ème siècle.

En quarantaine

L’ordre de Saint-Lazare fondé en Terre Sainte pendant les croisades, prenait en charge les lépreux. Des vocables proches de Lazare comme ladre ont pu désigner les malades. Le moyen âge a canonisé le Lazare lépreux, légendaire et populaire, dont la geste était rapportée dans les sermons, sur les fresques et les vitraux. Il devient naturellement le patron des lépreux.

Avec le changement d’époque, les lazarets comme ceux de Marseille, protègeront de la peste ou du choléra, plus que de la lèpre. Ces établissements témoignent du difficile rapports à la maladie et à ses craintes, dans les villes ouvertes sur le monde.

Le chantier de restauration de la tour des Vieilles Infirmeries

Le lazaret d’Arenc*** pouvait accueillir 3000 personnes. Il a succédé aux Vieilles Infirmeries sur le futur site des Catalans. Elles-mêmes créées après que des lazarets plus anciens, proches du fort Saint-Jean et de la Consigne se soient révélés trop petits.

La réalisation du fort Saint-Nicolas avait nécessité la démolition des Vieilles Infirmeries.

Vers l’hôpital Caroline

Après avoir traversé par deux fois le Vieux-Port, le Lazaret de Marseille rejoindra finalement les îles du Frioul, avec la création de l’hôpital Caroline**** sur l’ile de Ratonneau. Michel-Robert Penchaud, architecte de la ville de Marseille, va le réaliser. Le dernier des lazarets de Marseille, avec les progrès de la médecine, verra son activité décliner dès sa mise en service. Il accueillera cependant des malades jusqu’en 1937. Détruit par des bombardements alliés en 1944, il sera restauré à partir des années 80.

La recherche de la plus stricte économie a guidé la construction, avec des éléments calibrés, produits en série.

Les malades sont cantonnés par quartiers , coupés de l’extérieur par une enceinte. Une capitainerie bien positionnée permet surveillance et interventions. Au centre, la chapelle, visible depuis l’ensemble des pavillons, reprend la forme d’un temple grec, avec un chœur visible au travers des colonnes.

Les mis en quarantaine pouvaient suivre les offices depuis les fenêtres des dortoirs, méditer sur les souffrances du Christ et des martyrs, et dissoudre leur propre souffrance dans la patience.

Les colonnes de la chapelle de l’hôpital Caroline rappellent celles du Temple Grignan comme celles de nombreuses autres réalisation de Michel-Robert Penchaud. Une seconde chapelle des iles du Frioul, saint Étienne, qui surplombe de port de l’ile de Ratonneau, reprend le même parti, en imitation des temples antiques.

Étienne, rempli de la grâce et de la puissance de Dieu, accomplissait parmi le peuple des prodiges et des signes éclatants.

Actes 6 ,8

Notes

*Il allait de la porte d’Aix où se situait la grille, jusqu’à la mer

**A l’angle des actuelles rues Desaix et Camille Pelletan

***La référence à Saint-Martin d’Arenc et non à Arenc pour la désignation du lazaret ne semble pas trouver d’explication. L’actuelle église Saint-Martin d’Arenc ne se situe pas sur le site du lazaret. Par contre, la memoria de la rue Malaval, vestige paléochrétien, se trouve aux pieds de l’ancien lazaret Saint-Martin. Par dévotion pour les grands saints qui ont christianisé Marseille comme les campagnes de la Gaule, j’ai nommé Lazare et Martin les deux saints anonymes découverts dans la mémoria. Le site de la memoria se fait miroir de la nécropole Saint-Victor

****Du nom de Marie-Caroline de Bourbon qui fut l’épouse du duc de Berry et mère du comte de Chambord, prétendant légitimiste au trône de France sous le nom de Henri V. La princesse avait été hébergée au lazaret d’Arenc


Hopital caroline

De mes fenêtres, j’aperçois la chapelle de l’hôpital Caroline, entre des pavillons restaurés.

A suivre…


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