Les lazarets de Marseille, de la rue Roubon à l’hôpital Caroline

Seigneur, si tu le veux, tu peux me rendre pur. Jésus étendit la main, le toucha, et dit : Je le veux, sois pur.
Matthieu 8 : 1-4

Jésus-Christ purifiant un lépreux

Jean-Marie Melchior Doze

Le nom Lazare porte une historie urbaine et religieuse riche et circulante, ancrée dans les croyances populaires, les évangiles et les croisades. A Marseille particulièrement.

Le grand Lazaret des 17ème au 19ème siècles a été installé en bordure du quartier éponyme, voisin extra-muros du futur Belsunce, qui allait plus tard accueillir l’église Saint-Lazare. Il semble cependant qu’ait existé une léproserie dans le quartier dés le 12ème siècle*.

Si Lazare de Béthanie, ami de Jésus et frère de Marie-Madeleine est le fondateur légendaire du christianisme marseillais, le second Lazare de l’évangile, lépreux inventé par Jésus, accueilli au ciel, est une des origines de la désignation Lazaret, comme l’est Nazareth par homonymie**. L’ordre de Saint-Lazare, créé en Terre Sainte, prenait en charge les lépreux. Ces derniers sont désignés parfois par des vocables proches de Lazare comme ladre. Au Moyen Âge, le Lazare lépreux, légendaire et populaire, dont la geste était rapportée dans les sermons, sur les fresques et les vitraux, a été canonisé, devenant ainsi le patron des lépreux.

Avec le changement d’époque, les lazarets comme ceux de Marseille sont destinés à protéger de la peste ou du choléra, plus que de la lèpre. A l’image de l’île vénitienne Santa Maria di Nazaret, ils sont restés lazarets.

Le lazaret d’Arenc fondé en 1663 au lieu-dit Saint Martin d’Arenc*** pouvait accueillir 3000 personnes. Il a a succédé aux Vieilles Infirmeries créées après que des lazarets plus anciens, proches du fort Saint-Jean et de la Consigne se soient révélés trop petits. Les Vieilles Infirmeries ont été démolies lors de la réalisation du fort Saint-Nicolas.

Les lazarets de Marseille

La tour des Vieilles Infirmeries et la plage des Catalans

L’établissement d’Arenc a occupé 34 hectares avec une porte à 300 mètres des remparts**** et deux autres tournées vers la mer.

Les lazarets de Marseille

Au 19ème siècle, le Lazaret de Marseille, après avoir traversé par deux fois le Vieux-Port, sera déplacé vers les îles du Frioul, avec la création de l’hôpital Caroline***** réalisé par Michel-Robert Penchaud qui dessinera aussi le Temple Grignan. Le dernier des lazarets de Marseille, avec les progrès de la médecine, verra son activité décliner dès sa réalisation. Il accueillera cependant des malades jusqu’en 1937. Détruit par des bombardements alliés en 1944, il sera restauré à partir des années 80.

Les bâtiments sont réalisés avec la plus stricte économie, suivant un module unique réalisé avec des éléments calibrés, produits en série.

Les malades sont cantonnés dans des quartiers distincts, coupés de l’extérieur par une enceinte. Une capitainerie bien positionnée permet surveillance et interventions. Au centre, la chapelle visible depuis l’ensemble des pavillons, reprend la forme d’un temple grec, avec un chœur visible au travers des colonnes. Les malades pouvaient suivre les offices depuis les fenêtres des dortoirs.

+hôpital Caroline – Marseille

De mes fenêtres, je peux identifier la chapelle, entre des pavillons restaurés.

*A l’angle des actuelles rues Desaix et Camille Pelletan

**Le mot lazaret , désignant une léproserie, est un emprunt à l’italien lazzaretto altération de Nazaretto (1478), nom donné à l’hôpital construit sur l’île de Santa Maria di Nazaret (devenue Lazzaretto Vecchio) comme lieu de quarantaine près de Venise. Dictionnaire culturel en langue française, Paris, Le Robert

***A proximité de l’actuelle porte d’Aix

****La référence à Saint-Martin d’Arenc et non à Arenc pour la désignation du lazaret ne semble pas trouver d’explication. L’actuelle église Saint-Martin d’Arenc ne se situe pas sur le site du lazaret. J’ai décidé , par dévotion pour les grands saints qui ont christianisé Marseille comme les campagnes de Gaulle, de baptiser Lazare et Martin les deux saints anonymes découverts dans la Memoria de la rue Malaval, au pied de l’ancien lazaret Saint-Martin. Non sans retenir que ce site se fait miroir de la nécropole Saint-Victor

*****Du nom de Marie Caroline de Bourbon,qui fut l’épouse du duc de Berry et mère du comte de Chambord, prétendant légitimiste au trône de France sous le nom de Henri V. La princesse avait été hébergée au lazaret d’Arenc

A suivre…


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